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ANTONIN PERETJATKO
nous raconte sa pièce rapportée
Pour son troisième long métrage, celui qui s’est imposé comme l’un des cinéastes phares de la jeune garde française convoque l’imagerie de la haute bourgeoisie et se saisit avec inspiration du jeu polymorphe de ses comédiens. Rencontre avec Antonin Peretjatko émaillée d’interventions de Philippe Katerine.
Pour son troisième long métrage, celui qui s’est imposé comme l’un des cinéastes phares de la jeune garde française convoque l’imagerie de la haute bourgeoisie et se saisit avec inspiration du jeu polymorphe de ses comédiens. Rencontre avec Antonin Peretjatko émaillée d’interventions de Philippe Katerine.
ANTONIN PERETJATKO - nous raconte sa pièce rapportée - ILLIMITÉ
Il s’agit de l’adaptation d’une nouvelle de la dramaturge Noëlle Renaud. Quel intérêt entreteniez-vous vis-à-vis du texte ?
Antonin Peretjatko : Le scénario proposait une mécanique assez implacable. Dans la nouvelle se trouve une autre nouvelle, Le Roman d’une contrebasse de Tchekhov, ce qui tombait bien car j’aime les imbrications, les tiroirs, et tout ce qui est picaresque. Cette nouvelle sert vraiment de tournant scénaristique au film puisque c’est à partir de cette contrebasse que tout va basculer.
À un moment donné, j’avais eu envie d’adapter plusieurs nouvelles de Tchekhov, ce qui se faisait beaucoup dans les années 70 avec les films à sketches. Aujourd’hui, ça n’a pas très bonne presse auprès des producteurs ; j’ai donc inséré ce petit court métrage dans le long, ce qui était d’ailleurs déjà le cas dans La Fille du 14 juillet. Peut-être qu’à la fin de ma vie, à 120 ans, après avoir tourné plein de nouvelles de Tchekhov, je pourrai les regrouper pour en faire un long métrage.
Philippe, qu’est-ce qui vous séduisait dans le cinéma d’Antonin ?
Philippe Katerine : Je n’avais pas lu la nouvelle de Tchekhov, ce qui apparemment se vit très bien. Je connaissais bien les deux premiers films et même quelques-uns des courts métrages d’Antonin. J’étais ce qu’on appelle un aficionado. J’ai lu immédiatement le scénario et il ne m’est pas tombé des mains, ce qui peut arriver. Là, il est resté bien agrippé aux menottes !
Antonin Peretjatko : Nous avions eu quelques rendez-vous manqués. J’avais appelé Philippe pour une apparition dans La Fille du 14 juillet mais il était occupé par une naissance. Je n’ai pas insisté, je n’allais pas me battre contre un bébé. Ensuite, je lui avais proposé un rôle dans Panique au Sénat. Là aussi, il y avait eu une naissance, un enfant caché dont personne n’est donc au courant (rires). Et puis on a fini par réussir.
On imagine un plaisir assez inouï à se plonger dans ce personnage, dans cet univers très travaillé… Comment avez-vous travaillé le rôle de Paul Château-Têtard ?
Philippe Katerine : J’ai suggéré une perruque !
Antonin Peretjatko : Mieux ! C’est un toupet. Je pense que le mot nous a beaucoup plu réciproquement.
Philippe Katerine : Ah oui, « quel toupet » disait-on jadis !
Antonin Peretjatko : C’est un personnage qui a un toupet mais on ne peut pas dire qu’il ait du toupet.
Philippe Katerine : Il reste assez lâche, enfantin.
Antonin Peretjatko : Il y avait une phrase du début de la nouvelle qui me plaisait : « Paul n’avait pas une once de méchanceté ». Il était intéressant d’avoir un personnage qui ne soit pas forcément sympathique mais bon. J’avais envie qu’on soit en empathie avec tous les personnages à un moment donné. Même la Reine Mère, dans sa méchanceté, devient presque sympathique.
« Anaïs Demoustier, Josiane Balasko et les autres sont un peu les « Transformers » du cinéma indépendant »
Il y a quelque chose de la bande dessinée dans votre cinéma, on saute de case en case…
Antonin Peretjatko : Oui, déjà dans le décor. J’avais imaginé quelque chose de plus haussmannien au départ mais cette demeure qu’on a transformée en hôtel particulier avec la coursive m’a donné des idées de mise en scène très fortes.
Philippe Katerine : C’est vrai que la maison est un personnage à part entière ; elle a quelque chose de tentaculaire…
Antonin Peretjatko : On y sent le poids de la famille. Le bureau du détective fonctionne aussi avec des coursives et des escaliers. Il s’agit d’une société de géologie basée à Lyon qui est remplie de classeurs, comme si tous ces dossiers concernaient des familles. Le film aurait presque pu commencer ainsi : « Je vais vous raconter l’histoire d’une famille… ».
Votre cinéma est très ludique, l’absurde y a toute sa place. Comment alterne-t-on plaisir presque primitif du jeu et maîtrise de la satire ? Comment ne pas trop en faire ?
Philippe Katerine : Le jeu m’est venu de façon assez intense. Et puis, je n’ai pas rencontré de remontrance de la part de mon réalisateur.
Antonin Peretjatko : J’étais même surpris, je me suis dit que Philippe allait penser que je ne le dirigeais pas (rires), mais le fait d’avoir déjà travaillé sur les costumes et les coiffures montrait une certaine direction. Le film étant économiquement assez serré, nous savions que nous ne disposions pas d’une grande marge de manœuvre côté improvisation. Les acteurs de La Pièce rapportée sont très malléables, peuvent endosser à peu près n’importe quel rôle. Anaïs démarre comme guichetière du métro et termine grande bourgeoise. Pour Josiane, c’est pareil : elle campe une grande bourgeoise alors qu’on l’a souvent vue dans des rôles plus « popu ». Ce sont un peu les « Transformers » du cinéma indépendant (rires).
Au final, il y a quelque chose d’assez dégenré et de déclassé où chacun s’assume et en prend pour son grade.
Antonin Peretjatko : Une fois le scénario écrit, je me pose systématiquement la question de savoir ce que ça donnerait si le personnage féminin était un homme, et vice-versa, afin de voir ce que ça apporte au film, si le choix a été bon dès le départ. Ces choses ne sont pas si importantes pour moi tout en étant parfois caractérisées de manière assez forte, voire cliché, mais ce n’est pas autour de ça que tourne la construction de mes personnages.
Ce sont vraiment des personnages, pas des personnes ; il n’y a donc pas de rapport psychologique autour du fait qu’il s’agisse d’un homme ou d’une femme. Dans mes films, la réflexion autour des uniformes a un côté « L’habit fait le moine ». Il faut que ce soit très fort visuellement pour qu’ensuite je n’ai plus à m’en occuper, que le spectateur comprenne tout de suite qu’il a affaire à un boulanger, un curé, etc. pour qu’ensuite ce soit une autre étude du personnage qui intervienne.

Philippe Katerine, Josiane Balasko – La Pièce rapportée | Copyright 2020_ATELIER DE PRODUCTION_ORANGE STUDIO_AUVERGNE RHÔNE ALPES CINÉMA
Photo de couverture : ANTONIN PERETJATKO – LA PIECE RAPPORTEE / COPYRIGHT LAURA PERTUY

En salles le
01 décembre 2021
01 décembre 2021